Le coût réel pour les collectivités où œuvre la GRC

Opinion

Valda Behrens — Calgary Herald

À bien des égards, l’Alberta se sent à la croisée des chemins. L’attention portée au leadership de la première ministre Kenney suscite des réactions très diverses, ce qui n’est pas surprenant. Nous sommes sans aucun doute une province passionnée, farouchement indépendante, qui aime faire les choses à sa manière.  

C’est peut-être pour cette raison que le premier ministre Kenney estime que le remplacement de la GRC par une nouvelle force policière albertaine serait une orientation positive pour notre province. Il a d’ailleurs laissé entendre que cette avenue nous coûterait moins cher et nous laisserait mieux équipés à long terme.

En tant que fière Albertaine, je suis certainement déchirée. Mon mari et moi avons travaillé dur pour élever quatre enfants qui sont tous allés au collège et à l’université. J’ai maintenant cinq petits-enfants, et ce n’est pas fini! En tant que famille de la classe moyenne, nous avons toujours eu à cœur de maximiser chaque dollar dépensé. 

En même temps, j’ai appris à connaître la valeur de la GRC en travaillant comme adjointe et superviseure aux services de détachement à High River pendant plus de 15 ans. J’ai ainsi été directement témoin du travail extraordinairement dévoué que font mes concitoyen-ne-s de l’Alberta à la GRC : des gens qui, jour après jour, travaillent à améliorer la sécurité publique, à superviser les poursuites pour crimes graves et à recruter et à former du personnel. Ces gens font partie intégrante de nos collectivités, surtout dans les régions rurales et éloignées.

J’en ai fait l’expérience en 2016, lorsque les tristement célèbres incendies de forêt au sud-ouest de Fort McMurray ont balayé la région, entraînant la plus grande évacuation de l’histoire de l’Alberta, avec près de 88 000 personnes forcées de quitter leur domicile. La police montée de la GRC et le personnel en civil se sont alors mobilisés pour aider les intervenants-e-s d’urgence, aider les gens à évacuer la zone et réduire les risques de pillage. J’ai eu l’honneur de participer à cet effort collectif, laissant mes jeunes enfants et mon mari derrière pendant plus d’une semaine pour fournir mon soutien à mes concitoyen-ne-s.  

Et ce n’était pas la première fois. Lorsque des inondations catastrophiques ont frappé ma ville natale de High River en 2013, j’ai aussi été appelée à travailler en tant qu’employée civile de la GRC. Après m’être assurée que ma propre famille était en sécurité, j’ai travaillé 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 aux côtés du personnel en uniforme pour coordonner les opérations de sauvetage et maintenir l’ordre public.

Trois mille personnes avaient reçu l’ordre d’évacuer la zone, dont certaines qui hésitaient à le faire, inquiètes pour leur maison et leurs animaux de compagnie. Cent cinquante ont dû être sauvées. Remarquablement, près de 440 membres des Forces canadiennes et de la GRC venus de tout le pays, ainsi que des centaines de bénévoles et de membres du personnel de soutien civil, ont supervisé les efforts d’évacuation et de sauvetage.

Ce que j’ai appris, aux premières lignes de ces deux crises, c’est à quel point il est crucial de pouvoir compter sur un corps policier chevronné et polyvalent, capable de s’adapter rapidement et de tirer parti d’une expertise et d’un personnel supplémentaires en cas de besoin. En Alberta, il y a 114 détachements de la GRC répartis dans toute la province. Bon nombre de ces détachements existent depuis plusieurs dizaines d’années. 

Bien que Calgary et Edmonton disposent de leurs propres forces de police, en dehors de ces villes, c’est la GRC qui répond aux urgences et qui porte les accusations pour les crimes majeurs, y compris dans des domaines très délicats comme le trafic sexuel, la pornographie juvénile et le trafic de stupéfiants. 

Les agent-e-s en uniforme sont épaulés par des centaines de membres du personnel de soutien opérationnel qui veillent au bon fonctionnement des détachements et effectuent une grande partie du travail d’enquête et de classification des preuves dans les centres régionaux.  

Dans le plan du premier ministre Kenney pour une force policière provinciale, il n’est guère fait mention de ce qui serait fait pour retenir et outiller les employé-e-s en civil qui, à bien des égards, sont les piliers de notre réseau de sécurité publique provincial. Ils ont des dizaines d’années d’expérience dans divers domaines de la justice pénale et de la sécurité publique dans en Alberta.  

Or, rien ne garantit que ces employé-e-s seront retenus s’il y a un nouveau service de police provincial, où qu’ils et elles auront envie de s’y joindre. Beaucoup ressentent une appartenance à la grande famille de la GRC. La quantité d’expertise et de connaissances qui pourrait être perdue m’empêche de dormir.

Il en va de même pour le défi que représente le recrutement d’une toute nouvelle force. La ville de Surrey, en Colombie-Britannique, a rompu ses liens avec la GRC pour se doter d’une force policière municipale, et la transition n’a pas été facile. La concurrence pour trouver des agent-e-s en uniforme chevronnés capables d’encadrer la prochaine génération est intense. Remplacer des milliers d’agent-e-s en uniforme de la GRC en Alberta n’est pas une mince affaire, et personne ne devrait prétendre le contraire.

À mon avis, les dépenses et la logistique associées à cette transition pour le moins complexe ne seront pas synonymes d’économies pour l’Alberta à court ou à long terme. Le coût réel pour les collectivités où œuvre la GRC est probablement bien plus élevé que ce qu’un rapport pourrait indiquer.  

En somme, je suis une mère, une épouse et une fière résidente de High River. Ma priorité est la sécurité et le bien-être de ma famille, de ma collectivité et de ma province. Je n’avais pas prévu de travailler pour la GRC il y a 15 ans, mais j’ai eu la chance d’être une membre estimée du pilier opérationnel de l’organisation, et j’ai appris énormément de choses sur la sécurité publique au cours de ce processus. 

J’invite mes concitoyen-ne-s à réfléchir attentivement aux dangers d’une décision hâtive qui pourrait gravement compromettre notre province, au lieu de l’améliorer. 

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