Zef Ordman — Edmonton Journal
La semaine dernière, la première ministre Danielle Smith a annoncé dans ses lettres de mandat aux ministres qu’il était probable qu’elle aille de l’avant avec la création d’une force policière provinciale. Au cours de sa campagne à la chefferie, Mme Smith avait fait écho aux objectifs de son prédécesseur quant à la création d’une force policière made in Alberta pour répondre à la criminalité rurale et urbaine.
Dans une ville comme Red Deer, qui est depuis longtemps protégée par un important détachement de la GRC, la nouvelle est loin d’être bien accueillie. Moi, je suis né et j’ai grandi à Red Deer, et j’y suis revenu pour élever ma famille. Je travaille dans le système pénitentiaire fédéral. J’ai commencé comme gardien, et plus récemment, je suis devenu agent fédéral de libération conditionnelle.
Dans le cadre de mes fonctions, j’ai interagi avec des centaines de délinquants sous responsabilité fédérale qui purgent une peine pour des crimes majeurs. J’ai ainsi appris plus que vous ne pourriez l’imaginer sur le système de justice et les services de police de cette province. La population de l’Alberta est en droit de s’attendre à des services de police de première qualité, quelle que soit l’organisation qui les fournit. Quand les choses vont mal, on veut que la police soit là pour nous protéger.
Les forces policières de l’Alberta doivent également être tenues responsables de leurs actes afin de fournir d’excellents services et d’assurer la sécurité de nos collectivités.
D’après ce que j’ai pu constater, il semble que dans la majeure partie de la province, qu’il s’agisse des régions rurales ou urbaines, il n’y aurait pas vraiment d’avantages à « compléter » le rôle de la GRC avec une force policière provinciale plus localisée ni à remplacer la GRC carrément.
Ayant passé des milliers d’heures auprès de délinquants sous responsabilité fédérale dans le but de rompre le cycle de la criminalité, je peux vous affirmer qu’un pourcentage très élevé d’entre eux est aux prises avec des problèmes de toxicomanie et de dépendance profondément enracinés.
À l’intérieur comme à l’extérieur des pénitenciers fédéraux, les gangs jouent un rôle majeur dans la création de ces dépendances et dans le trafic de stupéfiants en général, grâce à des groupes de crime organisé perfectionnés qui travaillent de part et d’autre des frontières pour alimenter des réseaux de distribution bien rodés.
Pour avoir la moindre chance de désorganiser ces réseaux et de lutter contre les dépendances dans leur ensemble, nous avons besoin de services de police spécialisés, d’envergure nationale et internationale, qui ont les ressources et les outils nécessaires pour remédier à ces problèmes.
La solution n’est pas une police très localisée, mais plutôt des enquêtes criminelles plus approfondies menées par la GRC et les services de police urbains d’Edmonton, de Calgary et d’ailleurs.
Le groupe de travail sur les services de police provinciaux parle également d’utiliser des équipes multidisciplinaires spécialisées en santé mentale et en toxicomanie, une mesure tout à fait réalisable dans le cadre du modèle existant de 114 détachements de la GRC bien établis dont le personnel n’est pas seulement composé de membres de la police montée, mais surtout de membres en civil qui connaissent très bien leur collectivité et les personnes qui y vivent.
En somme, je me fais l’écho de la population albertaine, qui souhaite ardemment avoir des services de police plus proactifs. Or, une transition coûteuse vers une force provinciale qui ne saura pas répondre à nos besoins, ce n’est pas ce que j’appellerais de la prudence budgétaire. En tant que conservateur, j’estime qu’il y a de meilleures manières d’utiliser l’argent de mes impôts et de protéger ma famille.
La réalité, c’est que, quelle que soit la force policière, le maintien de l’ordre est à la fois très exigeant pour la main-d’œuvre et de plus en plus tributaire d’une technologie et d’un équipement de pointe. Les détachements de la GRC dans les zones rurales, éloignées et même urbaines bénéficieraient sans aucun doute d’une présence accrue sur le terrain et de partenariats avec des organismes communautaires qu’ils pourraient outiller pour les réalités modernes.
La très grande majorité du personnel de la GRC dans notre province est composée d’Albertains et d’Albertaines, y compris les centaines d’employé-e-s en civil qui forment le pilier organisationnel de cette organisation, notamment dans les enquêtes à haut risque sur l’exploitation des enfants, la fraude, la violence des gangs et les crimes connexes. C’est notamment le cas ici, dans le détachement de Red Deer.
Les élu-e-s doivent à tout prix entamer une discussion franche, sans faire de politique, avec les gens de la province, afin de trouver des façons de renforcer les services de police que nous avons déjà, y compris la GRC, présente en Alberta depuis plus de 100 ans.
Zef Ordman est né et a grandi à Red Deer. Il soutient le travail de milliers d’agent-e-s correctionnels fédéraux dans les Prairies avec le Syndicat national des employé-e-s de la Sécurité et de la Justice, qui représente 18 000 employé-e-s fédéraux de la sécurité publique et de la justice dans tout le pays.